Une page se tourne chez Minalogic : après plusieurs années à la direction de Minalogic, Erasmia Dupenloup passera le relais à Karen Amram-Prévot en janvier 2026. Nous avons réuni les deux dirigeantes pour un échange sincère et stratégique afin de revenir sur les grandes réalisations du pôle et les perspectives qui s’annoncent pour l’écosystème.

Propos recueillis par Ingrid Mattioni

Erasmia, après de nombreuses années d’engagement pour Minalogic, d’abord au sein de l’équipe développement des entreprises puis à la direction du pôle, quel regard portez-vous sur l’évolution et les accomplissements de Minalogic ?

Erasmia Dupenloup : Minalogic fête ses 20 ans, et le chemin parcouru est immense. Au début, nous étions 50 adhérents. Aujourd’hui, nous en fédérons 450, répartis sur l’ensemble de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Le pôle s’est élargi, d’une part sur le plan thématique, pour englober le numérique au sens large, et d’autre part géographique, avec désormais 4 implantations sur le territoire régional à Grenoble, Lyon, Saint-Étienne et Valence.

Ce qui fait la force de Minalogic depuis le départ, c’est sa capacité à se projeter dans le futur. À chaque étape des politiques publiques des pôles de compétitivité, nous avons su répondre, voire dans la plupart des cas anticiper les attentes vis-à-vis des pôles, en faisant émerger de nombreux projets d’innovation, tout en mettant en œuvre un processus modélisant d’accompagnement. Nous favorisons également l’accès au marché de ces innovations en suscitant des opportunités de développement business. Dans cette dynamique, nous avons pris une longueur d’avance en développant l’open innovation entre PME et grands groupes, en co-construisant des alliances stratégiques au niveau européen, telles que l’Alliance Silicon Europe.

Les résultats parlent d’eux-mêmes : 1017 projets ont été labellisés par le pôle et financés à hauteur d’1,2 milliard d’euros de subventions publiques, pour 2,9 milliards d’euros d’investissement R&D au total, et plus de 16 000 rendez-vous B2B qualifiés ont été initiés.

Trois accomplissements récents me semblent particulièrement importants :

• la mise en place d’un accompagnement au financement privé de nos entreprises, indispensable à leur croissance, en complément des dispositifs publics. C’est un atout majeur pour répondre aux défis actuels et renforcer notre rôle d’accélérateur d’innovation.
• l’accélération de notre dynamique européenne, afin que notre écosystème soit plus visible et davantage reconnu en Europe, en accompagnant nos adhérents sur les grands programmes de financements dédiés à la compétitivité et la souveraineté technologique.
• et enfin sur l’IA : un sujet stratégique sur lequel nous déployons un effort particulier pour sensibiliser et apporter un soutien de valeur à nos adhérents. En outre, considérant qu’il est indispensable d’appliquer à nous-mêmes ce que nous recommandons à nos entreprises, nous avons investi dans l’IA métier chez Minalogic, pour industrialiser nos process, gagner en efficacité et nous concentrer sur notre valeur ajoutée.

Aujourd’hui, Minalogic est solide, reconnu, structuré et légitime. C’est une très belle histoire, qui va se poursuivre !

Karen, à l’heure où vous prenez le relais, quels éléments de cette dynamique vous semblent essentiels à poursuivre ?

Karen Amram-Prévot : Erasmia pose les mots justes : Minalogic a été précurseur. Et je le ressens pleinement en arrivant : je récupère un pôle solide, visionnaire, structuré pour l’avenir.

La continuité, pour moi, repose sur l’ADN du pôle :

• Une équipe dotée d’un équilibre propice à l’engagement, réactive et reconnue, avec des profils experts et complémentaires, et qui dispose d’une grande capacité à relever les défis.
• Un écosystème très représentatif de la chaîne de valeur de ses filières, un réseau d’adhérents que l’on peut qualifier d’unique, regroupant une grande diversité d’acteurs issus des mondes économique, académique et institutionnel, dont la variété favorise une approche systémique de l’innovation et que l’équipe prend soin de connaître et d’accompagner en fonction des besoins.
• Un conseil d’administration mobilisé et stratégique, qui joue pleinement son rôle d’impulsion et de clé de voute, et dont la diversité des acteurs favorise des prises de décision équilibrées.
• Enfin, des actions axées sur la mise en valeur des adhérents et stimulées par les impulsions des territoires de l’Auvergne-Rhône-Alpes en matière de soutien au développement économique. Minalogic déploie des activités alignées avec les stratégies régionales et les politiques d’innovation, notamment sur des sujets structurants tels que la cybersécurité ou la robotique.

L’enjeu n’est pas de réinventer le modèle, mais d’amplifier ce qui fonctionne, avec la conviction que l’innovation est un levier indispensable de souveraineté et de compétitivité. Anticiper, c’est être catalyseur de coopérations et contribuer à la structuration et au développement des filières stratégiques à l’échelle régionale, nationale, européenne et internationale.

Un écosystème au service de l’innovation d’aujourd’hui et de demain

Minalogic joue un rôle clé pour le rayonnement régional, national et international. Comment amplifier encore cet impact ?

Erasmia Dupenloup : Nous devons continuer à renforcer encore notre présence dans les bons réseaux, dans les bonnes instances, pour faire entendre la voix de notre écosystème et augmenter notre visibilité.
Le centre de compétences français en micro-électronique dans le cadre du Chips Act européen en est un très bon exemple. C’est une fantastique opportunité de promouvoir et de faire rayonner la technologie FDSOI au niveau européen.
Il y a aussi nos vitrines internationales. Le CES de Las Vegas, le plus grand salon mondial de la tech, en est un emblème : en 13 ans, nous sommes passés d’une poignée d’entreprises à la plus grande délégation française, et l’accompagnement proposé est aujourd’hui une référence. Nous allons poursuivre cette dynamique, la dupliquer sur d’autres événements d’envergure, comme le GITEX. C’est grâce au soutien de la Région Auvergne-Rhône-Alpes que nous pouvons faire rayonner notre écosystème à l’international et renforcer encore sa reconnaissance et son excellence en matière d’innovation.

Karen Amram-Prévot : Le contexte international est complexe, mais il ouvre des opportunités. J’aime penser à cette expression attribuée à Platon et qui dit que, « La nécessité est la mère de l’invention ». Nous entrons dans une période où les politiques publiques, européennes comme nationales, se réalignent autour de la compétitivité, de l’innovation de rupture, des partenariats public-privé et de la souveraineté technologique.
Minalogic est exactement à la bonne place pour exploiter ces nouveaux élans et jouer son rôle d’accélérateur. Nous devrons continuer à saisir ces dynamiques, renforcer les synergies inter-pôles et nos actions structurantes dans les alliances et projets européens, et accompagner nos adhérents dans ce nouveau cycle.

Le rôle des pôles de compétitivité : hier, aujourd’hui, demain

Comment percevez-vous l’avenir des pôles de compétitivité dans un environnement en mutation ?

Erasmia Dupenloup : L’évaluation de la politique des pôles par la Direction Générale des Entreprises (DGE) a démontré qu’elle était l’une des moins coûteuse et des plus efficaces avec un effet de levier de 3€ de financement privé pour 1€ public investi dans l’innovation (étude DGE de mars 2023 et article des Echos d'avril 2024). En 2025, le rapport de l’ANRT-UDICE « Amplifier la recherche partenariale public-privé » a confirmé leur utilité et les cite comme des acteurs clés de la coordination territoriale.
Philippe Aghion, lauréat du prix Nobel d'économie 2025, met en avant le rôle de l'innovation technologique dans la croissance économique et affirme que face à une concurrence internationale accrue, il est stratégique d'investir dans l'innovation, car elle s'impose comme un levier fondamental de la croissance.
Les pôles sont donc des catalyseurs territoriaux, des facilitateurs d’innovation collaborative, des accélérateurs économiques. Ils sont utiles, et je suis optimiste quant à la reconnaissance continue de leur rôle.

Karen Amram-Prévot : Oui, les chiffres le prouvent : les pôles fonctionnent, en particulier parce qu’ils accompagnent l’innovation au plus près du terrain. Ils font converger les politiques d’’innovation avec ceux qui la font : entreprises, laboratoires, institutions. Je les vois comme de vrais modèles de valorisation de l’argent public et des bâtisseurs de coopérations. Une de leurs forces réside en effet dans les interactions qu’ils génèrent. Et Minalogic est particulièrement bien positionné : son impressionnant réseau sans frontières et sa capacité à rassembler en font un acteur pivot.
Les pôles sont des architectes de la souveraineté technologique. Ils sont incontournables.

Un mot pour conclure

Si vous deviez résumer Minalogic en un mot ou une phrase ?

Erasmia Dupenloup : Minalogic, ce sont des racines — solides, ancrées dans le territoire — et des ailes, pour continuer à se projeter loin !

Karen Amram-Prévot : Pour moi, Minalogic est presque le Graal d’une vie professionnelle : un lieu qui cristallise mon parcours et où toutes les étapes précédentes prennent sens. Et maintenant, ensemble — équipe, adhérents, partenaires, financeurs — nous allons écrire la suite.