Fondée sur l’innovation, des entrepreneurs visionnaires, des grands programmes nationaux, européens et internationaux et mobilisant des intérêts économiques et politiques majeurs, la révolution est en marche et réveille le secteur du spatial.
En qualité d'animateur de la communauté NewSpace en Auvergne-Rhône-Alpes, Minalogic vous propose une série d'articles pour décrypter les impacts technologiques, économiques et sociétaux qui reposent sur ce secteur en plein développement et vous sensibiliser aux opportunités offertes par l'émergence du secteur privé dans le monde du spatial.
Rédigés par David Gal-Régniez, Directeur Technique "Contenus & Usages" et expert ICC & NewSpace, ils ont pour objet de vous sensibiliser à la puissance de cette nouvelle industrie qu’offre le NewSpace. Ils font écho au cycle de conférences proposées par Minalogic et ses partenaires du Booster CoSpace CENTAuRA depuis octobre 2020.
Vous avez dit… NewSpace ?
C’est une expression que l’on entend de plus en plus dans le domaine de l’Espace. Mais au fait, qu’est-ce que le NewSpace ?
Avant d’aborder la question de ses enjeux et perspectives, il est important de définir ce que l’on entend par le terme même de NewSpace (nouvel espace).
La première démarche qui découle de cet anglicisme est d’identifier ce qui est considéré comme nouveau. La réponse est alors à priori simple : le NewSpace est une nouvelle manière d’envisager la conquête spatiale. Mais au vu des répercutions vertigineuses, est-ce si simple ?
Avec l’ouverture du secteur spatial au secteur privé, cela risque d’être légèrement plus compliqué pour les grandes institutions étatiques que sont les agences spatiales nationales et internationales. En effet, ce ne sont plus uniquement elles qui proposent à présent des innovations, mais des acteurs privés, parfois mégalomanes, ou des entrepreneurs sérieux et milliardaires, dotés de moyens de financement conséquents qui bousculent le paysage traditionnel du secteur du spatial.
Le Space Act américain, Big Bang au cœur de l’industrie spatiale
Baptisée Space Act, cette loi américaine, promulguée par le président Barack Obama en décembre 2015, est à l’origine du développement du secteur privé dans le spatial.
Si les grandes bases du droit de l’espace avaient été posées par les Etats-Unis et l’URSS durant la guerre froide, avec notamment la signature d’un traité en 1967 reconnaissant le principe de non-appropriation de l’espace et des corps célestes, le Space Act marque une étape majeure. En autorisant les entreprises américaines à s'emparer des ressources de l'espace, au-delà de prospecter l'eau et les métaux des astéroïdes et des planètes, le Space Act, permet aux compagnies américaines de les extraire et de les vendre. En clair, de s'approprier les matières premières de l'espace, rompant ainsi avec les 2 régimes régissant jusqu’alors le spatial : celui de l’espace, qui n’appartient à personne, et celui de la Lune et des corps célestes, qui sont les patrimoines communs de l’humanité.
Pourquoi cette décision ? Si l’on part du postulat qu’un seul astéroïde contiendrait plus de platine que tout ce qu'on a extrait du sous-sol de la Terre à ce jour, on comprend vite l’intérêt d’une nouvelle conquête de l’espace. Aux métaux précieux et rares (or, nickel, fer) s’ajoutent les possibilités d’exploitation de l’eau sous forme de glace. Par extension, c’est la Nouvelle Frontière de la Conquête de l’Espace qui ressurgit !
De la révolution Space-X…
L’une des conséquences les plus abouties du Space Act a été l’émergence de projets financés par le secteur privé. La réalisation la plus marquante est celle de SpaceX, société fondée par l’américain Elon Musk. Milliardaire, illuminé pour certains, génial et visionnaire pour d'autres, Elon Musk attire autant les louanges que les critiques.
En dévoilant son plan pour coloniser la planète Mars, lors de son intervention du 27 septembre 2016 sur la scène du Congrès Astronautique International, moins d'un mois après l'explosion d’une deuxième fusée Falcon 9 et de son satellite, l’entrepreneur milliardaire a posé les jalons d’un nouveau défi. Conformément à sa vision de « rendre l’espèce humaine multiplanétaire », Elon Musk permet à SpaceX d’avancer très rapidement et de manière tangible dans sa conquête de l’espace. Avec un objectif très précis : Mars. Pour atteindre son rêve, Elon Musk s’entoure (débauche) des compétences nécessaires avec la marque de fabrique de la Silicon Valley pour changer les pratiques traditionnelles. C’est ainsi que le rejoignent dans son aventure, Tom Mueller (responsable de la propulsion), Hans Koenigsman (responsable de missions) et Gwynne Shotwell (directrice opérationnelle).
Les premiers résultats ne tardent pas. Dès 2009, la NASA signe un contrat d’un montant de 1,6 milliard de dollars, confirme 287 millions de dollars supplémentaires pour la recherche, et permet à l’entreprise de pouvoir conduire ses projets, notamment sa fusée Falcon 9 et la capsule Dragon chargée de réaliser un aller-retour vers la station orbitale internationale afin de la ravitailler.
Les premiers succès arrivent le 22 décembre 2015 à l’issue d’une période à la fois chaotique, provocante et foisonnante. En effet, le premier essai se pose à quelques kilomètres de son site de décollage à Cap Canaveral. Puis, quelques mois plus tard, sur une barge en plein océan. Les lancements se sont succédé, jusqu’à celui du 1er vol commercial Crew-1 de SpaceX avec la NASA qui transportait à son bord 4 astronautes. L’ambition d’implantation devient alors à portée de vol !
… à la conquête de l’espace…
Si l’histoire débutante mais extrêmement intense de SpaceX représente une petite histoire dans la grande, cette aventure industrielle est notable et symbolique à plus d’un titre. Une nouvelle génération de lanceurs réutilisables, donc économiquement beaucoup plus rentables, a émergé, réduisant ainsi le coût global de lancement d’un satellite. En proposant des lancements entre 50 et 60 millions de dollars, SpaceX a divisé le prix d’un lancement par trois.
Mais SpaceX n’est que le sommet de l’iceberg. En effet, la révolution spatiale n’est pas que technologique. Elle ouvre la voie vers de potentiels nouveaux marchés et plusieurs patrons milliardaires ambitieux ont envie, comme Elon Musk, de se lancer dans l’aventure spatiale et ils commencent déjà à être crédibles.
- Jeff Bezos, emblématique fondateur d’Amazon, a créé en 2000 Blue Origin dont l’activité principale est la construction du lanceur lourd New Glenn, qui doit effectuer son premier vol en 2021, et le développement de moteurs cryogéniques
- le britannique Richard Branson, dirigeant de Virgin Galactic ambitionne de vendre des vols suborbitaux au public
- OneWeb, fondée par Greg Wyler, ancien employé de Google, vise à offrir un accès à Internet rapide et à bas prix via la mise en place d’une constellation de satellites en orbite terrestre basse.
Toutefois, le coût de lancement d’un nouvel acteur dans le secteur spatial reste tributaire de financements à hauteur de plusieurs milliards. D’origine privée par des milliardaires ou des investisseurs visionnaires et aussi par de constantes et importantes aides et/ou commandes publiques.
Au-delà de la révolution technologique des lanceurs, le NewSpace ouvre la voie à l’émergence de nouveaux services et à la réapparition de grands projets spatiaux très ambitieux. Projets qui devraient aboutir potentiellement à l’autonomisation du privé dans l’exploitation commerciale des activités spatiales.
… via la "servicialisation" comme vecteur de l’autonomisation du secteur spatial privé
Les nouvelles énergies et possibilités induites par l’arrivée de nouveaux acteurs du secteur privé dans l’industrie spatiale, la sempiternelle guerre idéologique entre les grands empires symbolisée par la volonté d’être le premier dans l’espace et les enjeux stratégiques économiques et politiques de maîtriser l’avenir de la conquête de l’espace ont contribué à relancer de grands projets spatiaux. La Lune et Mars sont les 2 destinations actuellement à atteindre, mais avec l’ambition d’y établir une implantation humaine durable.
La Chine, avec son vaste programme "Chang" d’exploration de la Lune, contribue à faire évoluer les technologies aussi bien au niveau des fusées, des lanceurs, des satellites d’observation, des sondes que des atterrisseurs et des robots et autres rovers pour explorer l’astre lunaire et la planète Mars et en effectuer des prélèvements.
Dans ce paysage international, une effervescence d’acteurs jusque-là absents, voire très discrets, tentent l’aventure :
- L’Inde affiche également de fortes ambitions dans le spatial avec une volonté de développer un spatial utile et surtout basé sur une approche frugale de l’innovation ("jugaad"). Cela lui a permis d’être le premier pays asiatique à atteindre Mars avec la "Mars Orbiter Mission" dès 2013, pour un coût réduit de 70 M€.
- Les Emirats Arabes ont lancé la sonde Al-Amal en juillet 2020. C'est la première mission interplanétaire pour le pays et première étape d’un projet spatial extrêmement ambitieux qui vise à étudier les conditions météorologiques sur la planète rouge.
- En Europe, un phénomène d’"agenciarisation" se développe avec notamment l’émergence de nouvelles agences spatiales nationales. Est-ce un risque ou une opportunité ?
- POLSA. L’Agence Spatiale Polonaise POLSA a ouvert ses portes en 2015 à Gdansk. Elle a pour principale mission d’appuyer et de développer la science et l’industrie spatiales polonaises en créant des laboratoires et captant les fonds de l’Agence Spatiale Européenne (ESA). Elle assurera la coordination de la politique spatiale polonaise sur le territoire polonais et ouvrira à cette fin deux autres implantations à Varsovie et Rzeszów.
- ESRIC (European Space Resources Innovation Centre). Le Luxembourg a conclu un partenariat stratégique avec l’ESA, en 2018, afin de lancer un centre d’expertise reconnu pour les aspects scientifiques, techniques, commerciaux et économiques liés à l’utilisation des ressources spatiales dans le cadre de l’exploration humaine et robotique, ainsi que pour une future économie spatiale.
Pour aller plus loin dans la réflexion
Nous vous invitons à prendre connaissance des sources d’informations qui ont inspiré la rédaction de cet article et comprendre ainsi la puissance de cette nouvelle industrie qu’offre le NewSpace.
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